En 1877, l’astronome italien Giovanni Schiaparelli prévoit d’observer Mars à l’aide d’un nouveau télescope réfracteur puissant installé à Brera, Milan. Il se prépare longuement, évitant, écrit-il, « tout ce qui pourrait affecter le système nerveux, des stupéfiants à l’alcool, voire l’abus de café que je trouve extrêmement préjudiciable à la précision de l’observation ». Lorsque ses mains résolument non tremblantes se mettent enfin à manœuvrer le télescope, il découvre à la surface de la planète rouge de profondes tranchées qu’il appelle « canali ».
L’hystérie autour de Mars atteint son comble au cours de ces derniers mois, lorsque le rover Curiosity de la NASA transmet à la Terre des photos à couper le souffle. La NASA a déjà annoncé le lancement d’une nouvelle version « plus intelligente » de Curiosity en 2020, et une conférence de presse a révélé des détails sur la présence d’eau salée à la surface de Mars, ce qui laisse entrevoir la possibilité d’une vie extra-terrestre. Or, les nombreuses spéculations sur l’habitabilité de Mars, voire sur le potentiel de ses canaux d’eau, trouvent leur origine avant même que nous ne nous soyons approchés de cette planète : au XIXe siècle, sous la plume de Schiaparelli.
En tant que voisine galactique de la Terre, Mars a déjà attiré l’attention des scientifiques. Ainsi, en 1719, Giacomo Filippo Maraldi remarque que la planète rouge a des saisons climatiques. William Herschel le confirme en 1783. Dans les années 1860, l’astronome français Emmanuel Liais suppose, à tort, que l’évolution du relief de Mars serait due à celle de la végétation martienne. Or, c’est l’année 1877 qui a été une année exceptionnelle pour les observateurs de Mars, car la planète rouge est alors « passée à l’opposition » ; il s’agit d’un événement interplanétaire au cours duquel Mars, la Terre et le Soleil sont alignés et où la distance entre la Terre et Mars est la plus courte.